L'Art de la fibre

L’art de la fibre, ou « fiber art » se réfère aux Beaux-Arts dont le matériau est constitué de fibres textiles et d’autres composants, tels que le tissu ou le fil. Il se concentre sur les matériaux et sur le travail manuel de l’artiste, et donne la priorité à la valeur esthétique plutôt qu’à l’utilité en elle-même. Les “fiber artists” se réapproprient les techniques traditionnelles et tissent des liens entre art, activisme et artisanat.

« Les travaux d’aiguille, autrement dit la couture, la broderie, la dentelle, la tapisserie et le tricot, font historiquement partie de la vie des femmes. » - Aline Dallier-Popper, historienne et critique d’art, 1976.

Née dans la ville américaine de Lorain (Ohio), Lenore Tawney passe une grande partie de sa jeunesse à Chicago où elle exerce le métier de relectrice-correctrice et prend en parallèle de son activité des cours aux Beaux-Arts. Elle commence en 1946 une formation artistique où elle étudie notamment la sculpture, le dessin et le tissage au Bauhaus de Chicago (Institut de design), école fondée sur le modèle du Bauhaus par László Moholy-Nagy. Son séjour à l’école de l’artisanat de Caroline du Nord, en 1954, auprès de Martta Taipale, artiste finlandaise spécialiste de la tapisserie, s’avère déterminant dans le choix de son médium. Elle travaille la soie, le lin et la laine et commence à questionner les codes classiques du tissage pour inventer ses propres règles, accentuant le côté expérimental de son travail.

Elle invente alors un procédé qu’elle baptise « Open Warp » ("Chaîne Ouverte") et dans lequel les fils de chaîne et de trame restent visibles. Les fils de trame, généralement rigides, adoptent ici une forme plus libre, plus fluide, et plus artistique, créant un parallèle avec l'art du dessin. Cela crée un parallèle avec le dessin et la représentation, dans la volonté de dépeindre quelque chose.

Lenore Tawney ne débute sa carrière d’artiste que très tardivement, à l’âge de 50 ans, et elle poursuivra celle-ci jusqu’à sa mort. Son travail évolue et se transforme après qu’elle ait quitté Chicago pour s’installer à New-York en 1957. Elle se lie d’amitié avec les artistes du mouvement minimaliste, désormais légendaire qui comprend Jasper Johns, Ellsworth Kelly et Agnes Martin, avec qui laquelle Tawney a développé une amitié étroite et durable, qui était sans doute une relation amoureuse bien qu'elle ne puisse pas être vécue ouvertement à l'époque. Le seul texte que Martin ait jamais publié sur une autre artiste était destiné à la première exposition new-yorkaise de Tawney au Staten Island Museum en 1961.

"Voir une expression nouvelle et originale dans un médium très ancien, et une forme complètement nouvelle dans chaque œuvre, est totalement inattendu, et c'est une expérience merveilleuse et gratifiante." - L'artiste Agnes Martin à propos de Lenore Tawney, 1961

En parcourant l’Europe, l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient et l’Amérique du Sud durant près de 15 ans, elle élargit son spectre de vision artistique et développe sa manière de travailler. Tout au long de sa carrière, elle crée également des dessins et des collages, souvent sous forme de cartes postales qu’elle envoyait à ses amis. L’attachement de Lenore Tawney à la spiritualité et à la méditation a grandement influencé son travail et le choix de ses sujets. Lorsque sa vue commence à baisser dans les années 1990, elle continue à créer avec l’aide d’un assistant. L'ensemble de son œuvre fait de cette artiste une grande figure de l’art textile, récemment consacrée par des expositions aux États-Unis.


EDITION 18

Découvrez les pièces de l'Édition 18 du Printemps-été 2022.