Quand as-tu commencé la peinture ?

Hormis la grande période artistique que nous connaissons tous de nos 3 à 8 ans, comprenant gribouillis incroyables et créations spontanées, il est assez difficile de mettre une date exacte aux débuts de l’aventure.

Cela dit, si je tourne la question différemment : Depuis quand penses-tu à la peinture tous les jours ? Je trouve une réponse. De ce fait, je dirais au début des années 2000. À cette période, je découvre le graffiti, le regarde beaucoup et le pratique immédiatement. Dessiner des lettres et peindre des murs deviennent une obsession. Je pense que les passions ne se déclenchent pas au hasard, il y a toujours une explication, même petite.

Si je reviens plus en arrière, juste pour l’anecdote, il m’arrivait de dessiner 10, 15 fois le même portrait, les mettre à la dernière page d'une encyclopédie, ouvrir la couverture et faire croire que j’utilisais une photocopieuse. J’étais mi-artiste, mi-magicien. Vers l’âge de 6 ans, ma mère m’offre un lot de pochoirs de la marque Tuppertoys (que j’ai retrouvé, il y a peu de temps). Ça aussi, c’était incroyable. D’ailleurs, je ne les ai jamais autant utilisés qu’aujourd’hui. En fait, j’adorais l’idée de pouvoir dupliquer une image ou une forme.

Je me souviens encore de collectionner les barres de couleurs et barrettes d’essais sur les cartons d’emballage et dire : “ je veux faire ça plus tard !” Ce que je souhaitais en réalité, c’était jouer avec les formes et les couleurs. Ça fait bientôt 20 ans que je vis “peinture” et affirme avec le recul que tous ces petits moments ont marqué mon enfance et influencé les outils et ma pratique d’aujourd’hui.

Quelles sont tes inspirations ? Tes œuvres racontent-elles une histoire ?

Mon environnement inspire énormément ma pratique et Paris n’arrange pas les choses. Ici, depuis 6 ans, Paname et en particulier le quartier de la Goutte d’Or ont sans aucun doute fait évoluer mon travail. Ma peinture s’est ornementée d’éléments propres à cette ville. L’architecture, la diversité sociale, la richesse culturelle, les différences, quel que soit leurs natures sont toujours source d’inspiration.

En parlant d’inspiration, je ne peux pas faire l’impasse sur mes influences artistiques, en particulier dans le domaine des arts plastiques. Si nombreuses et variées, je ne propose qu’une courte et frustrante succession de noms, au risque de créer une absurde et bouillonnante liste d’artistes ou mouvements artistiques ne respectant aucune chronologie et poussant la curiosité à faire des liens.

Marcel Duchamp, Shirley Jaffe, François Morellet, Olivier Mosset Sophie Taeuber-Arp, Jérôme Bosch, Marina Abramović, Vincent Bioulès Cimabué, Dorothea Lange, Le dadaïsme, Manfred Mohr Ker Xavier Roussel, Camille Claudel, Frank Stella, Bernard Piffaretti, Vivian Maier, Matisse.

Je n’ai pas la volonté de raconter une histoire en peignant. Si histoire il y a, alors je dirais que ce sont les peintures qui racontent la leur de façon autonome. Cela dit, rien ne vous interdit de narrer la vôtre. Sous leurs faux airs d'abstraction, je dirais que les éléments présents dans mon travail ont tendance à se défier. Ils se défient aussi bien sur le fond que sur la forme et tout cela en restant dans un autotélisme pictural.

Les textures de vos matériaux sont-elles importantes pour vous ? Comment décidez-vous des couleurs/matériaux à appliquer à vos peintures ?

Au début de mes recherches plastiques, je travaillais la fluidité, la viscosité du matériau “peinture”. Mes envies étaient de peindre et de m’amuser. Je n’ai à aucun moment, et cela jusqu'à aujourd'hui, oublié le ludique dans mon travail.

À propos de texture, sa présence est juste à constater. Si celle-ci est perceptible, alors elle apparaît non comme un but mais comme une composante du processus d'exécution. La matière, visible sur le support pictural, témoigne simplement d’une recherche spontanée. J’ai arrêté depuis quelques années de faire des croquis préparatoires pour réaliser un tableau.
Je construis sur la toile, ce qui me permet de toujours provoquer l'inattendu, d’obtenir des problèmes de composition ou de rapports chromatiques et d’entamer un combat physique, voire mental, pour gagner la peinture.
Cette façon de peindre ne supprime pas, au préalable, l’étape de recherche. Loin de là, cette dernière est un processus quotidien qui consiste entre autres, à observer, collecter des images via la photographie ou ramasser des choses de la rue. Tout cela nourrit une banque de données dans laquelle je pioche au moment voulu. La recherche des couleurs découle de celle des formes et vice versa. L’une ne va pas sans l’autre.

Tu travailles dans un ateliers regroupant plusieurs artistes au nord de Paris, comment se passe la colocation ? Travaillez-vous ensemble ?

L’association "À titre provisoire” regroupe 14 artistes ayant des médiums différents. Peintres, graveurs, photographes, plasticiens, céramiste, et lithographe se côtoient quotidiennement au sein de l’atelier situé dans le quartier de la Goutte d’Or à Paris.

Chaque acteur de cet atelier bénéficie d’un espace de travail privé. Nous ne travaillons pas ensemble mais partageons avec plaisir et bienveillance nos avis et expériences.

Un pôle en particulier de l’atelier nous regroupe tous. C’est celui de Pascal Gabet, imprimeur lithographe depuis plusieurs décennies. Ce dernier collabore avec les artistes du 6 rue Saint-Mathieu mais rencontre et imprime également pour d’autres artistes nationaux ou internationaux. Plus qu’une technique d’impression noble et ancienne, c'est avant tout un trésor qui se trouve au centre de nos ateliers.

Méfiez-vous des apparences, ce large atelier central, dédié à l’art de l’estampe, se transforme assez souvent et de façon vitale en Dancefloor. Il faut juste y passer au bon moment pour le découvrir.