Porté par

Joseph Walia

Promeneur, amateur de café, co-fondateur de JAMES COWARD

Photographié par Jack Hare à Berlin, Allemagne


Ce matin a commencé, comme la plupart des matins, par une promenade dans mon quartier, Wedding. Souvent négligé à Berlin, il possède un charme tranquille et une élégance naturelle. J'aime observer les visages familiers des hommes et femmes turques d’un certain âge, en vêtements bien ajustés, pendant qu'ils et elles vaquent à leurs occupations quotidiennes.
Malgré l'atmosphère grise oppressante qui règne à l'extérieur, que j'ai apprise à aimer, Jack et moi prenons plaisir à nous promener spontanément pour voir ce que le hasard pourrait nous apporter.
Je pense encore à une conversation que j'ai eue l'autre jour avec mon ami Shouji. Nous nous promenions dans la ville et parlions du sens de la création dans le contexte de la vie quotidienne.
Au vu des circonstances actuelles dans lesquelles nous sommes tous plongés, nous sommes confrontés à une décision : nous battre pour nos créations ou rester assis sans rien faire et nous sentir impuissants.

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Shouji l'a très bien dit : "Nous nous battons pour notre Création, nous créons une nouvelle façon de vivre, chaque jour". Nous sommes tous deux d'accord pour dire que c'est la seule chose dans la vie qui compte vraiment pour nous. Tout est périphérique et secondaire par rapport à notre désir de Créer. Et ce n'est pas tant la création d’une forme spécifique, que plutôt la Création de la Vie elle-même.

Cela me rappelle une déclaration de Joseph Beuys, "Tout être humain est un artiste". Pour moi, cela signifie que l'acte de Vivre lui-même est l'acte de Création le plus radical, une contribution à la Sculpture Sociale Totale, au quotidien, à travers chaque Action. Si seulement nous pouvions saisir l'énergie illimitée de chaque instant qui bat dans nos veines, comment pourrions-nous vivre notre vie différemment ?

Mon sentiment est que la création quotidienne a un plus grand potentiel d'émancipation que les Beaux-Arts.

C'est peut-être une position provocatrice, et alors ? S’il y a jamais eu un moment de proposer des provocations et de rêver dangereusement, c’est maintenant.

Depuis mon arrivée à Berlin, j'ai entamé un chapitre de ma vie consacré à la Création. J'ai déménagé ici pour travailler pour un créateur de vêtements à Berlin-Ouest, mais au bout de deux ans, je suis arrivé aux limites de cette entreprise. J'ai planifié une visite à Vancouver où je présenterais une petite exposition personnelle de photos et d'objets collectés au cours des deux dernières années, intitulée "Memory, Meaning, & Lack Thereof". J'ai pensé à l'époque que c'était la bonne manière de mettre un point final à mon séjour à Berlin et de partir vers un nouvel endroit.

À ce moment-là, j'avais accepté l'idée de m'installer à Paris, car j'y allais régulièrement en visite et je me sentais toujours chez moi dans les cafés ou dans les rues, à la recherche de quelque chose. Des moments de folie divine, qui frappent comme la foudre. Ils semblent se produire plus souvent pour moi à Paris que dans d'autres endroits.

En tout cas, j'ai parlé de mon projet à mon bon ami Dylan, qui m'a proposé de rester à Berlin et de venir travailler dans son restaurant, Ernst.

Alors que je savais que cette expérience serait plus difficile que tout ce que j'avais connu jusque-là, j'étais assez intrigué par le défi en lui-même et je me suis senti à l'aise pour travailler en faisant face à l'échec.

Pour dire les choses sans détour, Ernst n'est pas un restaurant normal et y travailler est un engagement total de force physique et mentale et un test immense sur la volonté d'esprit. J'ai beaucoup d'histoires à raconter sur mon expérience au restaurant, mais l'année où j'y ai travaillé a été marquée par une renaissance par le feu. En comparaison, rien n'est aussi stimulant, et il n'y a plus autant de choses qui me font peur.

Lorsque j'ai quitté l'entreprise, Dylan m'a proposé une nouvelle fois : "Voudrais-tu créer de nouveaux uniformes pour la rénovation du restaurant ? Cela comprendrait également la fabrication de rideaux et de serviettes, ainsi que la sélection et l'approvisionnement de tous les textiles, tout en tenant compte de la façon dont ils prendraient place dans ce nouvel espace magnifique, conçu par un merveilleux architecte de Copenhague nommé Salem Charabi.

J'ai accepté le projet et, avec mon ami Osamu (que je respecte plus que quiconque, en ce qui concerne le processus physique et l'action de fabriquer des vêtements), nous avons produit quatre uniformes sur mesure pour le personnel d'Ernst. Je suis fier de dire que nous avons tout fait nous-mêmes du début à la fin, et rien n'a été sous-traité. Chaque vêtement était l'aboutissement d'environ 40 heures de travail ciblé.

Pour respecter l'échéance, je me souviens avoir travaillé 30 heures d'affilée sans dormir, ce qui, j'en suis certain, a été rendu possible par ma formation chez Ernst.

Après avoir travaillé pour le créateur dont je parlais lorsque je suis arrivé à Berlin, j'ai eu l'impression d'avoir perdu mon enthousiasme pour la création de vêtements. Curieusement, ce n'est qu'après être passé par Ernst que j'ai pu retrouver cette joie.

Osamu & moi continuerons à travailler en tant que duo de collaboration que nous appelons en plaisantant « Berlin Blues ». Nous ne sélectionnerons que des projets intéressants, qui exigent de notre part un effort et une émotion totale pour la création.

En même temps, nous travaillons tous les deux sur nos propres entreprises de vêtements, lui sur ARAI et moi sur JAMES COWARD, qui est une conspiration transcontinentale composée de chers amis travaillant entre Vancouver, Berlin et Tokyo.

L'interaction et la tension de ces différents travaux créatifs me fournissent la nourriture nécessaire pour continuer à avancer dans les moments difficiles.

Pour certains d'entre nous, cette année a été une période où nous avons particulièrement grandi, non pas parce que nous l'avons planifié, mais parce que nous ressentons l'urgence du moment. Le désir désespéré de réaliser certains rêves pendant que nous avons encore du souffle dans la poitrine.

Il y a un poème de Tagore que je garde toujours caché au fond de mon cœur, mais je pense qu'il serait approprié d'en partager un extrait ici:

Que je ne prie pas pour être à l'abri des dangers mais pour ne pas avoir peur de les affronter.
Que je n’implore pas l'apaisement de ma douleur mais que mon cœur la conquière.

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Worn & Written by Joseph Walia
@josephwalia
Photographié par Jack Hare
@jack_hare

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